16 juin 1815, la dernière victoire de l’aigle

16 juin 1815, la dernière victoire de l'aigle

Rentré de l'île d'Elbe, où il avait été exilé, Napoléon Bonaparte est à nouveau Empereur des Français.

Napoléon arrivant un jour sur nos terres était comme une évidence.
Chaque invasion venant du sud semble toujours, inévitablement, se terminer chez nous.
Même le grand Napoléon ne pouvait échapper à cette règle…

1815 ! Que de pensées éveille cette simple date. Elle évoque pêle-mêle des actes héroïques, des trahisons, des mêlées épiques, des heures de vertige où l’on vit, dans le fracas des batailles, s’effondrer un trône.

La pensée qui s’abandonne est comme emportée dans une tourmente, prise aux péripéties d’un duel de géants, dont un empire est l’enjeu. Prisonnier de son émotion, chacun suit chaque acte de cette tragédie poignante où, comme dans un théâtre antique, le génie semble s’épuiser contre la fatalité.

Les protagonistes ? D’un côté, un homme, Napoléon, et un pays, la France, de l’autre côté, l’Europe.

Nous franchissons l’espace de vingt et un ans. A retrouver l’armée française luttant comme en 1794, à Fleurus, contre d’autres Allemands, il ne semble guère possible que, dans cet intervalle, elle ait pu promener ses aigles victorieuses en tous sens, et d’un bout à l’autre de l’Europe.

Cela fut pourtant.
Et peut-être que dans les rangs de la vieille garde, qui va donner une dernière fois avec un élan irrésistible, se trouve-t-il encore quelque vieux soldat de Jourdan qui s’arrête et s’indigne de se voir ramené à son point de départ, après avoir passé par Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram, la Moskowa.

C’est qu’en vérité, il a été trop loin et fait sentir à trop de peuples le poids de sa vaillance.
Si l’on n’eût utilisé celle-ci que pour conquérir et défendre les frontières françaises naturelles, il n’en serait, sans doute, pas réduit à se battre désespérément pour couvrir celles de la vieille France, maintenant menacées d’aussi près et bien plus gravement qu’aux premiers temps de la Révolution.    L’ambition du grand capitaine qu’il acclame plus frénétiquement que jamais en est la cause pour avoir trop embrassé, elle n’a pu rien retenir; après avoir voulu tout gagner, elle a tout perdu ou plutôt elle est à la veille de tout reperdre.

Et au fond, ces vétérans de tant de combats, qui, l’arme au pied, sous Fleurus, attendent impatiemment que leur empereur les jette dans la mêlée ont plus que tous les autres, le sentiment que c’est la partie suprême qui est engagée.  Jamais Napoléon n’a conduit à l’ennemi, même dans ses meilleurs temps, des troupes animées d’un plus vif enthousiasme, ni remplies d’un dévouement plus sincère et plus exalté.

Napoléon, voulant mettre hors de cause les armées concentrées en Belgique, sous le commandement de Wellington et Blücher, avant que les autres forces de la coalition ne soient en mesure d’intervenir, a rassemblé sa principale armée (120.000 hommes) aux environs d’Avesnes.

Le 14 juin, il transfère son quartier général à Beaumont. Le 15, il franchit la frontière.
Entre les divers plans qui s’offrent à son choix, il a choisi le plus rationnel et celui qui doit le conduire le plus vite aux plus grands résultats: il veut percer au centre le front stratégique des alliés, qui s’étend de Namur au-delà de Bruxelles, et, à cet effet, va se porter rapidement, par la vallée de la Sambre, sur le point de jonction des armées anglaise et prussienne.

Cette attaque brusquée lui permettra de s’interposer entre elles et en faisant contenir l’une par un détachement pendant qu’il portera le gros de ses forces contre l’autre, il est à peu près certain de pouvoir les battre séparément et successivement.

Blücher, ayant le gros de son armée déjà rassemblé en arrière de Fleurus, tandis que celle de Wellington est encore éparpillée dans le Hainaut, dans le Brabant et jusqu’en Flandre, s’offre le premier à ses coups et c’est droit à lui que va marcher l’armée française, à l’exception des corps de Reille et de d’Erlon et de la cavalerie de Kellerman et de Lefebvre-Desnoëttes, placés sous le commandement du maréchal Ney et envoyés, par la route de Charleroi à Bruxelles, au-devant de l’armée anglais.
L’armée prussienne, comprenant les trois corps de Zieten, de Pirch et de Thielmann,  – le quatrième, celui de Bulow, était encore en arrière, – comptait 84.000 hommes, avec 216 pièces de canon.

Elle était établie à Fleurus et aux alentours.
Napoléon, qui s’était proposé de pousser jusqu’à Fleurus, dès le 15 juin dans la soirée, n’avait pu dépasser Charleroi. La présence des Prussiens vers Sombreffe lui ayant été signalée de bonne heure.
Cela fut pourtant.
Et peut-être que dans les rangs de la vieille garde, qui va donner une dernière fois avec un élan irrésistible, se trouve-t-il encore quelque vieux soldat de Jourdan qui s’arrête et s’indigne de se voir ramené à son point de départ, après avoir passé par Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram, la Moskowa.
C’est qu’en vérité, il a été trop loin et fait sentir à trop de peuples le poids de sa vaillance.
Si l’on n’eût utilisé celle-ci que pour conquérir et défendre les frontières françaises naturelles, il n’en serait, sans doute, pas réduit à se battre désespérément pour couvrir celles de la vieille France, maintenant menacées d’aussi près et bien plus gravement qu’aux premiers temps de la Révolution. L’ambition du grand capitaine qu’il acclame plus frénétiquement que jamais en est la cause pour avoir trop embrassé, elle n’a pu rien retenir; après avoir voulu tout gagner, elle a tout perdu ou plutôt elle est à la veille de tout reperdre.
Et au fond, ces vétérans de tant de combats, qui, l’arme au pied, sous Fleurus, attendent impatiemment que leur empereur les jette dans la mêlée ont plus que tous les autres, le sentiment que c’est la partie suprême qui est engagée.  Jamais Napoléon n’a conduit à l’ennemi, même dans ses meilleurs temps, des troupes animées d’un plus vif enthousiasme, ni remplies d’un dévouement plus sincère et plus exalté.

Napoléon, voulant mettre hors de cause les armées concentrées en Belgique, sous le commandement de Wellington et Blücher, avant que les autres forces de la coalition ne soient en mesure d’intervenir, a rassemblé sa principale armée (120.000 hommes) aux environs d’Avesnes.

Le 14 juin, il transfère son quartier général à Beaumont. Le 15, il franchit la frontière.
Entre les divers plans qui s’offrent à son choix, il a choisi le plus rationnel et celui qui doit le conduire le plus vite aux plus grands résultats: il veut percer au centre le front stratégique des alliés, qui s’étend de Namur au-delà de Bruxelles, et, à cet effet, va se porter rapidement, par la vallée de la Sambre, sur le point de jonction des armées anglaise et prussienne.

Cette attaque brusquée lui permettra de s’interposer entre elles et en faisant contenir l’une par un détachement pendant qu’il portera le gros de ses forces contre l’autre, il est à peu près certain de pouvoir les battre séparément et successivement.
Blücher, ayant le gros de son armée déjà rassemblé en arrière de Fleurus, tandis que celle de Wellington est encore éparpillée dans le Hainaut, dans le Brabant et jusqu’en Flandre, s’offre le premier à ses coups et c’est droit à lui que va marcher l’armée française, à l’exception des corps de Reille et de d’Erlon et de la cavalerie de Kellerman et de Lefebvre-Desnoëttes, placés sous le commandement du maréchal Ney et envoyés, par la route de Charleroi à Bruxelles, au-devant de l’armée anglaise.
L’armée prussienne, comprenant les trois corps de Zieten, de Pirch et de Thielmann,  – le quatrième, celui de Bulow, était encore en arrière, – comptait 84.000 hommes, avec 216 pièces de canon.
Elle était établie à Fleurus et aux alentours.

Napoléon, qui s’était proposé de pousser jusqu’à Fleurus, dès le 15 juin dans la soirée, n’avait pu dépasser Charleroi.

La présence des Prussiens vers Sombreffe lui ayant été signalée de bonne heure.

Napoléon, devançant ses colonnes, se fit conduire en voiture à Fleurus. Après une reconnaissance générale, du haut du moulin Naveau, de la position ennemie, il fit opérer à son armée un changement de front.

Si, comme l’ont écrit certains critiques militaires, Napoléon, au lieu d’engager la bataille à deux heures, l’eut fait dès huit ou neuf heures du matin, il aurait pu remporter une victoire complète et se débarrasser, pour un temps assez long, de Blücher, le plus acharné et, par conséquent, le plus redoutable de ses adversaires.

Il est vrai que, à une autre époque, un général battu par lui n’eut songé qu’à se mettre au plus vite à l’abri de ses atteintes !

Peut-être l’empereur espérait-il qu’il en serait encore ainsi cette fois; il se rappelait qu’en 1794, les Autrichiens, battus presque au même endroit, s’étaient hâtés de regagner la Meuse et le Rhin, mouvement qui les avait séparés de l’armée anglo-hollandaise, qui coopérait alors avec eux, et avait mis celle-ci dans le plus grand péril. Mais Blücher n’était pas Cobourg.

…Vers 6 heures du soir, après des péripéties diverses, Napoléon, qui suivait la bataille du moulin Naveau, avait résolu d’en finir en enfonçant le centre de Blücher au moyen du corps de Gérard, de la partie disponible de la garde et des cuirassiers de Milhaud. La garde allait se jeter sur Ligny quand un ordre de l’empereur l’arrêta. Un incident singulier venait de se produire à la gauche française.

Vandamme avait aperçu vers Villers-Perwin une colonne formée d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie, qui lui parut être composée de troupes ennemies. Cette colonne semblait se diriger vers Fleurus, c’est-à-dire vers les derrières des lignes françaises.

Vandamme avait aussitôt informé Napoléon de ce fait étrange, en ajoutant qu’il avait ramené la division Gérard en arrière pour couvrir Fleurus, et que l’effet produit sur ses soldats par l’apparition de la colonne en question était tel, qu’il allait être obligé de battre en retraite.

Napoléon expédia aussitôt un officier reconnaître les troupes qui approchaient.

Cet officier revint vers 7 heures. Il apprit à l’empereur que la colonne dont l’apparition causait tant d’inquiétude était le corps de d’Erlon, et que, sur l’assurance qu’il en avait donnée, la division Girard avait repris sa place dans l’ordre de bataille et le corps de Vandamme conservé son terrain.

Cependant, la colonne en question avait interrompu son mouvement vers Fleurus et rebroussé chemin. Plus tard, on apprit qu’elle rejoignit Ney aux Quatre-Bras. Napoléon supposa, peut-être, que d’Erlon, après avoir reconnu qu’il suivait une fausse direction, manœuvrait pour tourner : la droite de Blücher, conformément aux ordres envoyés à Ney.

Peut-être aussi l’empereur devina-t-il la vérité et crut-il que Ney, ayant des raisons pour craindre d’être forcé aux Quatre-Bras, rappelait d’Erlon, supposition qui expliquerait pourquoi Napoléon ne donna pas d’ordres directs au 1er corps pour le mettre dans la bonne direction lorsque ce corps retourna sur ses pas, après s’être approché du champ de bataille de Ligny.

Le 1er corps n’aurait donc pas pu arriver à Wagnelée avant 8 heures et demie ni même, plus probablement, comme l’affirme Von Clausewitz, avant 9 heures, c’est-à-dire avant la nuit close. Quoi qu’il en soit, l’empereur, qui avait continué à suspendre l’attaque sur le centre de Blücher, ordonna aux quatre régiments de grenadiers à pied de la garde, au 1er régiment de chasseurs à pied, à la division de grosse cavalerie et au corps de Milhaud de reprendre le mouvement sur Ligny.

La situation de l’armée prussienne commençait à devenir critique.
Le moment d’exécuter sur le centre de l’armée prussienne l’effort décisif, projeté par Napoléon, étant venu.  Gérard, qui se trouvait en possession de la partie de Ligny située sur la rive droite de la Ligne, se mit à la tête de la division Pécheux, et par un effort désespéré refoula les Prussiens hors du village d’où il déboucha précédant les grenadiers de la garde.  Les cuirassiers de Milhaud et la grosse cavalerie de la garde traversèrent Ligny à la suite des grenadiers.

La bataille était gagnée par les Français. Elle avait été extrêmement meurtrière.
Les Prussiens perdirent environ 16.000 hommes, les Français 11.000 hommes. En outre, une panique dispersa environ 8000 hommes de l’armée de Blücher pendant la nuit qui suivit la bataille.
Comme le dit un des acteurs de ce drame sanglant, le capitaine de Mauduit (Histoire des derniers jours de la grande armée) des grenadiers de la vieille garde : “ Ligny et Waterloo furent des combats corps à corps pendant des heures entières; c’étaient des coups de fusil à bout portant, de la mitraille à cinquante pas, et non des fusillades à deux ou trois cents toises, comme le sont généralement les batailles.
A Ligny, plus de 4000 soldats morts sont entassés sur un espace moindre que celui du jardin des Tuileries… Le tableau que présente le cimetière de Saint-Amand n’est pas moins affreux.
Le 82e de ligne français y est presque tout entier…. On ne peut se figurer la rage avec laquelle on se précipitait les uns sur les autres.

Le soir de cette âpre journée; quand, ses troupes bivouaquant sur le champ de bataille, l’empereur rentra à Fleurus, dans l’appartement qu’on lui avait préparé au château de Paul de Barchifontaine, il s’endormit sans doute heureux de son succès, rêvant à de nouvelles victoires et ne prévoyant guère que, deux jours après, sa destinée devait être anéantie dans l’épouvantable désastre de Waterloo.

“ Waterloo, journée incompréhensible ! concours de fatalités inouïes ! s’écriait Napoléon à Sainte-Hélène, un an plus tard, le 18 juin 1816… Ney, d’Erlon, Grouchy… Y a-t-il eu trahison ? N’y a-t-il eu que du malheur ? Et pourtant tout ce qui tenait à l’habileté avait été accompli ! Singulière campagne, où j’ai vu trois fois s’échapper de mes mains le triomphe assuré de la France. Sans la désertion d’un traître (Bourmont), j’anéantissais mes ennemis en ouvrant la campagne; je les écrasais à Fleurus, si la gauche eut fait son devoir; je les écrasais à Waterloo si ma droite ne m’eût pas manqué. Singulière défaite, où, malgré la plus horrible catastrophe, la gloire du vaincu n’a point souffert, ni celle du vainqueur augmenté.

La mémoire de l’un survivra à sa destruction la mémoire de l’autre s’ensevelira peut-être dans son triomphe ! ”

Les textes qui précèdent sont adaptés de la brochure éditée par le comité franco-belge du mémorial de Fleurus (1934-36).

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