Histoire du bois de Soleilmont

Une "petite" Histoire du bois de Soleilmont et de la Forêt des Loisirs

En règle générale, peu de gens savent qu’au sud de Fleurus un domaine boisé de plusieurs dizaines d’hectares existe encore.
Des chaussées qui le bordent, il est presque invisible et vu de l’autoroute R3 aboutissant à Heppignies, il n’est qu’une tache verte qui s’efface rapidement.
Pourtant ce lieu a "quelque chose de particulier", un « on ne sait quoi » que les différents noms des zones qui le forme évoquent.

Le « Mont du soleil », Soleilmont, le bois du Roi…

Ici se concentre des forces anciennes, l’héritage d’un riche passé.

Le bois de Soleilmont
Le bois de Soleilmont à Fleurus est sans doute le dernier véritable survivant de l’immense ceinture boisée qui autrefois bordait le sud de l’entité de Fleurus. Larges bandes d’arbres qui courent de Ransart jusque bien après Wanfercée, et de Gilly jusque Martinroux. L’extension progressive de ces communes a réduit peu à peu ce magnifique espace. Intensivement exploité autrefois, nous ne trouvons plus aucun arbre vieux de plus de 150 ans.

Les batailles
Au débouché de la vallée de la Sambre, le bois de Soleimont était un passage obligé pour tout envahisseur venant du sud en suivant la vallée de la Sambre pour accéder aux plaines du Brabant.

Ceci explique clairement pourquoi Fleurus, depuis la plus haute antiquité, a été l’un des champs de bataille favoris des envahisseurs de toutes origines.

Jules César et les Nerviens

Bien que leur capitale ait été située à Bavai, les Nerviens, cette peuplade belge, installée sur notre territoire vers le 2ème siècle avant JC, contrôlaient un immense territoire dont Fleurus semble avoir constitué une des limites orientales.


Le territoire Nervien était approximativement limité à l’ouest par l’Escaut et la Scarpe, au nord par la Dyle, à l’est par la Sambre et au sud par les forêts du Nouvion et de la Thiérache.
Ainsi, la chaussée Brunehaut, qui marque la limite nord de l’entité de Fleurus, et dont les historiens attribuent généralement l’ouverture aux Romains, était plus que probablement un axe routier déjà important du temps de l’indépendance des peuples belges et l’une des voies de communication importantes traversant le territoire nervien.

Dès cette époque, Fleurus semble donc avoir occupé une position frontalière. Position que les Nerviens, peuple guerrier, devait défendre activement. C’est sous cet éclairage qu’il faut comprendre la présence d’un oppidum gaulois sur notre territoire.

Situé à la confluence des ruisseaux de Gominroux et de Taillis-Pré, beaucoup plus importants à l’époque, la place forte permettait de contrôler aisément la vallée qu’elle surplombait.

La construction à la manière gauloise fait de l’oppidum plus une ville fortifiée qu’une véritable forteresse guerrière.
Se servant d’une pente naturelle les remparts n’étaient construits que d’un seul côté et constitués d’un entrelacement d’arbres dont les espaces étaient comblés de pierres et surmontés d’une palissade de bois.

Ce type de construction était avantageux par bien des aspects. Faciles à construire, ces fortifications étaient tout à la fois «souples», solides et durables.

Le chanoine Theys, dans son histoire de Fleurus en 1932, ne signale-t-il pas que les traces de ces fortifications sont toujours visibles 20 siècles plus tard?


Contrairement à l’image de barbares frustes, nos ancêtres montrent ici de grands talents.
S’il n’en fallait qu’un exemple supplémentaire, nous pourrions citer l’organisation remarquable que cette structure met en évidence, puisqu’elle permet de niveler les terres de l’intérieur de la cité dont les remblais sont utilisés pour la construction des défenses.

Il ne serait pas surprenant que l’arrivée de l’envahisseur romain ait entraîné le déclin de la cité gauloise. Non content d’exiger parfois la destruction des fortifications des villes soumises, les Romains ont mené en Gaule une véritable politique d’extermination. Sur les 60.000 hommes de l’armée nervienne, 500 à peine revinrent des combats.

Dans l’ensemble de la Gaule, on estime que les conquêtes de César firent plus d’1.000.000 de morts et qu’autant d’individus furent réduits à l’esclavage. Plus que des guerres, l’invasion romaine peut être considérée comme un génocide, bien avant l’invasion du terme.

Quoi qu’il en soit, le changement sera définitif et c’est peu à peu la culture gallo-romaine qui va s’imposer. Ainsi, c’est à l’issue de cette conquête que vit probablement le jour la ferme de Martinrou toute proche.

 

Les Victoires françaises de Fleurus

Si avec l’évolution des technologies, la guerre va changer de visage, Soleilmont restera malgré tout un témoin « privilégié » de nouvelles luttes.

En 1690, c’est en lisière du bois que de violents combats de cavalerie opposent les troupes de Louis XIV, commandées par le Maréchal de Luxembourg et les troupes prussiennes du Prince de Waldeck.

En 1794, par chance, la Révolution française oublie sur son trajet destructeur l’abbaye de Soleilmont. Alors que Aulne et d’autres abbayes de la région flambent, Soleilmont, abandonnée par les sœurs, est laissée intacte.

En 1815, c’est sur les pentes du bois, au pied de l’oppidum et en travers de la chaussée de Charleroi, nouvellement ouverte, que se retranchent les troupes prussiennes.

C’est au cours des combats pour les déloger que sera tué le général Letort, aide de camp de l’Empereur.

C’est à cause de ces même troupes (elles ont retardé l’avancée des Français jusqu’au soir du 15 juin) que Napoléon ne pourra pas occuper Fleurus comme prévu.

Un lieu de Culte et de Foi

Si le nom de Soleilmont peut évoquer un culte solaire, dont le souvenir se serait transmis à travers des millénaires, en fait aucune recherche sérieuse n’a jamais été entamée sur le thème.
Par contre une chose est certaine, depuis plus de mille ans maintenant, Soleilmont est devenu un haut lieu de la vie religieuse de notre région.
Une légende prétend que ce serait Albert III le pacifique, comte de Namur, et par ailleurs seigneur d’Heppignies (où il résidait) qui serait à la base de la fondation de l’établissement vers 1088. Quant à ses descendants, ils auraient assuré la pérennité des lieux, au travers de généreuses donations de terres et de biens divers ; lesquelles ont enrichi la communauté mais ont provoqué également un relâchement des moeurs. Plus de jeûne, plus de silence, plus d’abstinence de viande, plus de travail des mains comme l’impose la règle de saint Benoît ; mais un goût immodéré pour les mets délicats, le linge fin, les meubles rares, soit le confort. Tant et si bien qu’en 1414, un décret ordonna la suppression de l’abbaye ainsi que différentes implantations dépendantes d’elle. Une réforme est alors activement menée par Dame Marie de Senzeille, abbesse de Soleilmont. La « régularité » est si bien réintroduite que, à l’instigation de sa promotrice, elle est transposée dans plusieurs monastères des Pays-Bas et Soleilmont devient rapidement une « pépinière » d’abbesse.

Une abbaye pré cistercienne ?

L’ordre de Cîteaux (Ordo cisterciensis), autant connu sous le nom d’ordre cistercien est un ordre monastique catholique, fondé en 1098 à l’abbaye de Cîteaux par Robert de Molesme pour suivre la Règle de saint Benoît.
Ces règles ou lois écrites ont été imaginées par Benoît de Nursie, au VIème siècle, pour les membres d’un ordre monastique connu comme l’Ordre de saint Benoît.

Au-delà de son influence religieuse, ce texte est l’un des plus importants travaux écrits datant de la formation de la société médiévale. Il peut être considéré comme l’ancêtre des constitutions écrites et a pour fondement la notion d’autorité limitée par la loi. Mais ce texte constitue avant tout une règle de vie des communautés religieuses. La journée du moine ou de la religieuse a pour pivot central la célébration d’offices religieux : sept le jour et un durant la nuit, le reste de la journée étant consacré à des travaux manuels, la lecture des ouvrages religieux, les repas et peu de repos.

Benoît, qui avait apprit des Pères du désert que «l’oisiveté est ennemie de l’âme» considérait qu’il était imprudent de laisser un quelconque moment libre.

Si aujourd’hui Soleilmont est une abbaye cistercienne, elle existait en fait comme abbaye bénédictine avant la fondation de Cîteaux et de la règle s’y rattachant. Ce n’est que le 23 mars 1328 qu’une bulle du pape Grégoire IX ratifia l’affiliation à l’Ordre de Cîteaux et plaça Soleilmont sous la protection du Saint Siège (le Vatican). L’original de ce document fut conservé jusqu’en 1963 dans l’abbaye elle-même.

Une abbaye particulière

En fait, on peut dire que l’abbaye de Soleilmont a su, au travers de son histoire, cultiver ses particularités pour se construire une «légende».

Quelle abbaye peut se vanter d’avoir compté dans ses rangs une religieuse, au début du 15ème siècle, ancienne joueuse de balle si célèbre pour sa force et sa dextérité qu’elle avait été invitée à la cour du Roi pour en faire démonstration.

Ou encore, d’avoir possédé un étang d’une taille si prodigieuse et si riche qu’il alimentait en poissons frais les habitants de la région. Ces produits furent d’ailleurs servis à Louis XIV, lors de son passage dans notre région.

D’être également, l’une des rares abbayes à posséder un fragment de l’un des « saint clous », lequel aurait servi lors de la crucifixion de Jésus.

D’avoir toléré durant plusieurs siècles et jusqu’en 1922, date à laquelle l’arbre est tombé et la souche fut transférée au Musée de la Vie Wallonne, à Liège, la présence d’un « arbre à clous » constellé de près de 70.000 de ces petits « actes de dévotion » aux origines bien païennes.

Une histoire troublée

Lieu en principe hors du monde, une abbaye n’en subit pas moins les vicissitudes du temps.
Soleilmont ne fait pas exception à la règle.

Elle subit son lot de ravages et de dévastations au fil des siècles, les religieuses étant même chassées du lieu lors de Révolution française.

Toutefois, tant bien que mal, s’accommodant d’un assouplissement de la règle que les temps imposaient le centre religieux réussit à survivre en ses murs, durant plus de neuf siècles, jusqu’en 1963. Le jour de Noël de cette même année, un incendie éclate dans les combles de la partie abbatiale. En quelques heures, la plus grande partie des bâtiments est réduite en cendre et une multitude de trésors accumulés au cours des siècles s’envole en fumée.

Ce qui pourrait signaler la fin de la communauté est en fait le signe d’un renouveau.
Depuis 1973, un nouveau monastère s’étend à quelque distance de l’ancien, et c’est dans un cadre résolument moderne que l’Abbaye de Soleilmont poursuit son existence de pauvreté, de partage, et de recherche de Dieu.

Soleilmont et les mines

Au-delà du bois qui fut largement exploité au cours du temps, une autre ressource a longtemps fait la richesse et le malheur du site : le charbon.
Situé à flanc de vallée, le gisement houiller de Soleilmont est l’un des plus anciens sites miniers de la région de Charleroi, puisqu’il est attesté depuis 1699 au niveau du bois communal et 1746 sur la terre des 18 bonniers, appartenant à l’abbaye. D’abord basée sur l’exploitation de gisements affleurants; la mine s’enfoncera peu à peu dans la colline à travers des âges. Le site supportant au plus fort de l’activité de nombreux puits.

La trace la plus évidente de cette extraction intensive est, sans conteste, les deux terrils : celui de Saint-Auguste et le très impressionnant terril des 18 bonniers.

« Nord de Gilly » et « Bois communal »

En 1874, un gigantesque centre d’exploitation voit le jour : le charbonnage « Nord de Gilly », réunion des charbonnages de Soleilmont et des 18 bonniers, dont l’exploitation avait cessé en 1850. Au sommet de son rendement, ses puits les plus profonds s’enfonçaient à plus de 670 m. Quant à la production, elle atteignait, selon les données de 1924, 170.600 tonnes par an.

REMARQUE : Lorsque nous parlons de « mines », il est bon de rappeler qu’un charbonnage est une société qui exploite différents puits (de mine) ou mines. Qui plus est ces puits sont parfois reliés entre eux. Le mélange de noms des uns et des autres rend souvent difficile de les distinguer avec exactitude.

A titre d’exemple, nous savons que le charbonnage «Bois Communal» exploita les puits de «Sainte-Henriette», «Saint-Victor», «Saint-Auguste» et le «Marquis».
Pour compliquer encore les choses, avec le temps, certains puits disparaissent car épuisés ou sont renommés en fonction de la découverte de nouvelles veines.

La lutte sociale et Soleilmont

A la fin du 19 siècle, les conditions de vie des ouvriers étaient particulièrement pitoyables dans nos régions.

Alors qu’une bourgeoisie abusive fait la chasse au profit grâce aux progrès techniques, les licenciements se multiplient. Le patronat baisse les salaires tout en augmentant le nombre d’heures de travail alors même que le prix des produits de première nécessité augmente.

Exploités, sous-payés sous-alimentés, la durée de vie du travailleur ne dépasse guère les 40 ans et encore quelle vie auront-ils eu ?

Nombreux sont ceux qui trouvent refuge dans l’alcool, ou autres asservissements. Voulant sortir de cette situation, sans autre issue que la mort, certains redressent la tête. En 1886, la révolte gronde et le mouvement est général dans les pays industrialisés : France, Belgique, Allemagne, Etats Unis. Il en est à Fleurus comme partout ailleurs.

Les révoltés de la Virginette

Dans les cafés, et plus particulièrement les guinguettes parce qu’elles sont généralement situées dans des lieux calmes et retirés, loin des oreilles indiscrètes, on discute ferme et les esprits s’échauffent.
La guinguette de la Virginette dans le bois de Soleilmont ne fait pas exception.

En mars 1886, des grèves revendicatives éclatent dans les différents bassins industriels du pays mais le mouvement n’émeut pas le patronat qui choisit l’épreuve de force.

L’après-midi du 26 mars 1886, des groupes de mineurs partant des guinguettes, où ils tiennent réunion, s’enfoncent dans Ransart et Gilly pour rallier à leur cause les travailleurs de verreries, mais la manifestation tourne à l’émeute.

On saccage et on incendie plusieurs entreprises. A Roux, la troupe bloque la progression de la foule et ouvre le feu.
Une terrible répression, menée par des soldats venus du nord du pays et les milices bourgeoises, s’en suit entraînant la mort de plusieurs dizaines de personnes.

C’est l’un des plus violents conflits que notre pays ait jamais connu.

 

La naissance de la conscience sociale

Ces mouvements auront un impact décisif dans l’histoire sociale de la Belgique. Face à l’impassibilité de Léopold II, dont le seul acte à l’issue du conflit sera d’émettre une loi contre la répression de l’ivresse, les ouvriers comprennent que leur salut est dans l’union. C’est au cours des grèves de 1886 que le POB (Parti Ouvrier Belge) prendra son essor. Trois ans plus tard, le travail des enfants et des femmes sera enfin réglementé. Seize années plus tard, la révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg, impressionnée par les grèves générales successives menées par les travailleurs belges pour l’obtention du suffrage universel déclarera :

«Le prolétariat européen doit apprendre à parler belge»

 

C’est grâce aux événements de 1886 que naîtra également dans le monde, l’idée socialiste, au niveau international, de décréter le 1er mai «fête du travail».
 
On a aujourd’hui oublié que cette journée était autrefois une journée de revendication pour le principe des trois « 8 » : 8 heures de travail, 8 heures de détente et 8 heures de sommeil. Ce fut le premier pas vers la Liberté.
 
Les ouvriers d’antan n’en connaissaient que le mot; on peut se demander aujourd’hui quel en est le sens.
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